Saison 2, épisode 2 : Lisbonne

Lisbonne.

La capitale du Portugal. Quelle jubilation à chaque escale d’arriver par la petite porte de la plaisance, jubilation d’autant plus grande qu’on accède à une capitale. Pas d’avion, pas de file d’attente, pas d’attente tout court finalement. Nous avons choisi pour résidence la marina la plus proche du vieux centre, à trente minutes à pied tout de même. Heureusement pour nous, dame nature a inventé le Tramway:).

Comme toute grande ville, le béton y prend une place notable mais l’arrivée par le Tage permet une approche plus douce, et plus boisée ; un immense bois de feuillus marque la partie ouest de la ville. Puis, la Tour de Belem se dresse comme pour indiquer la direction. Quel spectacle ! Notre trajet nous fait passer sous un immense pont suspendu de 70 mètres de haut, à la mode San Francisco. Nous avons à peine 15 mètres de tirant d’air et pourtant, chaque fois nous avons l’impression que notre mât va toucher le pont ! Les centaines de voitures y passant chaque seconde miment exactement le bruit d’un essaim de guêpes prêtes à vous fondre dessus. Ce bruit nous accompagnera jusqu’à la marina d’Alcantara, immense marina, accueillante, s’ouvrant à nous après encore un (petit) pont, le ponte movil !

55 mètres de marge entre le pont et le mât, ça passe !

-Quel est le nom de votre bateau ? (question du marinero en anglais, mais avec un certain accent Portugais)

– Nos Limites (prononcé à l’espagnole Nosse Limitès)

– Qué ?

Désemparés, nous montrons les papiers.

– Ahhh ! Noch Limitch !

Nous retenons un fou rire. En effet, au Portugal, les « s » à la fin des mots sont prononcés « che ». D’autres mots ont une prononciation tout à fait originale. Mais nous découvrons que l’espagnol est parfaitement compris au Portugal, ainsi que le français, que certains habitants parlent parfaitement ! Incroyable ! Nous décidons d’y rester cinq jours entiers, pour découvrir la ville.

La marina d’Alcantara, notre maison pour 5 jours…le trois-mâts se transforme en boîte de nuit tous les soirs, mais chuut…l’équipage du Nos Limites ne le sait pas encore 😀

Le centre historique est une caricature à lui tout seul, la quintessence du tourisme de masse ! Imaginez une rue en montée, surplombée par la catédrale, payante évidemment. Des dizaines de trams d’allure « ancienne » et autant de véhicules décorés de fleurs en tissus -véritables promènes couillons à roues- se relaient à l’infini sous nos yeux. Nous nous attendions, hors saison, à un peu moins de monde. Hélas, la petite taille du centre concentre la population. Aucun habitant local ici, seulement des Air BNB ostensiblement affichés, des restaurants qui n’ont de « typiques » que le nom… autant dire que nous quittons rapidement le quartier à la recherche d’autre chose.

Le château Saint Georges sera notre plus jolie visite, mais il faut le mériter ; 30 minutes de bus, puis encore autant de marche en montée (la fameuse ville aux sept collines) et l’esplanade apparaît. Nous nous attendions à une foule grouillante et agglutinée comme devant chaque monument de cette ville et là, en plein après-midi, nous sommes presque seuls. D’abord la vue sur le Tage vous rappelle la proximité de la ville avec le commerce portuaire. Ensuite, laissez vous bercer par le vent qui arrive sans peine à cette hauteur, rafraîchis par l’ombre des pins et la lumière de fin de journée ; cette lumière mordorée qui vous frappe l’âme. Voilà pour l’ambiance.

Chateau saint Georges, ça roucoule à fond avec les paons !

Nous avons été courageux évidemment, et avons monté toutes les marches pour réaliser le tour de ronde du château. A cette occasion, nous avons appris que « monter » en Portugais se disait « subir » ; les lisboètes sont des gens pragmatiques.

Fabrice qui s’apprête à « subir »

Mais pour l’histoire, débrouillez-vous. Pas de panneaux, pas d’informations historiques ; google est là pour vous aider, ou pas. Des paons braillent en continu tout autour du château ; nous n’en avons jamais vu autant ! Le cadre est somptueux. Un petit musée rempli de céramiques a surtout l’intérêt de nous faire une pause dans la climatisation. Fabrice sembla d’ailleurs subitement très intéressé par des poteries du XVIIIème, rires !

L’idéal c’est de finir la journée dans un petit restaurant, avec terrasse improvisée sur les pavés, loin de l’afflux touristique, avec en prime le numéro des tables peints à même le mur. En France, les gendarmes auraient fait effacer ça, mais ici, l’espace public est occupé par les contribuables comme dit Fabrice, et c’est bien !

Des façades entières sont carrelées, il en faut du courage pour coller tout ça 😀 et il en faut autant pour grimper et descendre tous ces escaliers !

La visite la moins intéressante ? Le monastère des Hyéronimites.

Il s’agit à notre sens, d’une vaste escroquerie organisée et les touristes naïfs que nous sommes ont encore la marque de l’hameçon aux lèvres. En arrivant 15 minutes avant l’ouverture, une file d’attente impressionnante nous renvoie à la réalité. Nous nous disons que cela doit vraiment valoir le coup ! Au bout de 50 minutes de patience infinie (et croyez-moi, encore deux minutes et votre narratrice abandonnait…merci à la patience du capitaine Fabrice), nous pénétrons dans le monument, un cloître immaculé, VIDE, absolument vide ; pas de meubles, pas de toiles, des carrelages au mur « typiques », et la même chose sur l’étage du dessus. Nous nous regardons, goguenards, mais bons joueurs, partageant ce même regard avec les touristes qui doivent aussi se sentir floués. Pour amortir la visite, certains prennent des photos non stop, rentabilisant le temps d’attente en nombre de clichés.

Quinze euros pour trois cailloux à voir, certes, de très jolies roches blanches taillées comme de la dentelle, mais rien qui ne justifie cet attrait, ni ce prix ! Et, à la grande déception du capitaine, n’offrant ni la modernité de la clim’ ni l’archaïsme des vestiges de céramique !!! Ou peut-être sommes-nous habitués au faste des musées français, parfois très (trop) rococo. Après avoir pollué la photo d’un touriste asiatique énervé en restant dans le cadre, nous quittons les lieux, avec une pensée pour ceux qui ont encore 2 heures estimées d’attente…

Notre séjour nous aura été utile. Nous avons appris des choses intéressantes au Portugal : les minutes sont différentes. Ainsi une minute d’attente au tramway équivaut à environ 10 minutes françaises. Cela s’est vérifié très souvent. Une heure d’attente estimée dans la file vaut plutôt deux heures, etc…Et, visiblement, le temps de visite des monuments inclut également la file d’attente, rires.

Les pistes cyclables ont été développées un peu tard dans l’esprit du développement urbain, dirons-nous. Armés de nos vélos pliants, nous dévalons à fond les boulevards et la piste initialement prometteuse, se termine en plein centre ville sur une avenue bondées, pavée et glissante, où le pauvre cycliste côtoie le livreur pressé. Si le cycliste persiste et se balade en ville avec son vélo roulant sagement à côté de lui, il aura la joie immense de monter une des collines (pavées aussi, et glissantes aussi) bondée de touristes pressés et sous un soleil de plomb. Autant dire que les vélos resteront sagement dans le Nos Limites (ou plutôt le Noch limitch) pour les jours suivants.

La place du commerce, abandon des vélos après de beaux dérapages en règle. Les pavés glissent comme des savonnettes !

Mais que serait une escale au port sans bricolage ?

Au programme : nouveau vernis sur le parquet, vidange de l’inverseur avec la fameuse huile ATF. Fabrice s’est fait plaisir en achetant des tonnes de clés plates, qui ont finies disquées et meulées sur le ponton pour leur donner la forme parfaite. Nous avons amélioré le système d’enroulement de la grand-voile. Celle-ci nous donnait du fil à retordre en navigation ; avant de tout modifier, nous avons nettoyé les roulements à billes…il y avait à boire et à manger là-dedans. Magie du ménage, tout fonctionne (pour le moment, rires). Nous constatons enfin avec joie que la fuite d’huile dans le gazole provenait bien de l’ancienne p***** de pompe à injection. Nous vous épargnons les photos du bateau, chaque jour plus beau.

Quelques scènes qui nous ont marqués :

Les nuées de groupes de touristes précédés d’un guide avec un parapluie brandi en l’air (toujours bleu électrique, et toujours fermé, allez savoir pourquoi)

Les touristes qui pleurent au téléphone parce qu’on vient de leur piquer leur portefeuille (quand on a passé 7 ans à Marseille, on sait s’en protéger).

Les immenses bâtiments officiels, blanc craie, cachant des jardins magnifiques et calmes, petites pépites vertes au coeur de la ville.

Les yeux levés au ciel avec la grimace quand nous avons demandé à la quincaillerie locale des clés plates anglaises en pouces, et finalement, notre surprise quand ils en ont trouvé une boîte au fond de leur boutique, recouverte de poussière !

Les vieux gréements dans le port qui servent de boîte de nuit le samedi soir à environ 30 mètres du Sharki !

Mais aussi : des tonnes de voiliers qui sortaient chaque jour sur le Tage, skippers professionnels, amateurs, pêcheurs, le fleuve se parait de voiles tous les jours jusque tard, un plaisir pour les voileux, sans la houle !

Le vrai plaisir, c’est quand on quitte une zone surpeuplée de touristes instagrameurs, et, que dans la rue juste à côté, on découvre un jardin tropical vide, peuplé de paons, de poules et de merles, le bruit des voitures étant masqué par des araucarias immenses.

Jardin botanique tropical, magnifique

En cheminant dans un jardin japonais, on franchit des ruisseaux improvisés, on s’égare et finalement, on se pose dans un café charmant où le patron ne parle que Portugais et votre narratrice ne lui répond qu’en Espagnol. Manger comme à la maison, entourés de locaux, dans le calme absolu et avec le sourire…rien à dire, la quiétude est parfois de l’autre côté de la rue. Fabrice est devenu addict au Pasteis de nata (prononcez Pastich’s de natz) ! Dur de partir après ça !

Mais l’été approche et les alizés portugais vont devenir enquiquinants si nous ne passons pas la côte avant le fameux « anticyclone des Açores ». Grand départ et direction le Golfe de Gascogne !

2 réponses à « Saison 2, épisode 2 : Lisbonne »

  1. Lichbonne 2: toujours lu avec plaisir, beaucoup d’humour dans cet épisode portugaich…

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    1. Avatar de Nicole et michel
      Nicole et michel

      toujours un grand plaisir de lire vos découvertes .

      Lisbonne nous avait séduit et Christian y avait *perdu* sa carte d’identité en attendant un tramway.

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