De Dublin à Granville, la Manche, Jersey, et tout le reste !

La grande traversée Kilmore-Penzance

La traversée de la mer d’Irlande a été de tout repos. Pour une fois, pas de plainte émanant du cockpit, puisque qu’elle s’est faite sur un seul bord, au portant, sur 130 miles nautiques, le rêve. Ajoutez un grand soleil, des étoiles par milliers sans aucune pollution lumineuse, des dauphins évidemment, et une belle houle de 3 mètres et vous aurez l’ambiance. Nous sentons le temps et le vent se réchauffer, on se dirige vers le sud après tout, ou alors c’est un effet purement psychologique…

Toutes voiles dehors, génois, grand-voile et artimon, nous filons entre 8 et 10 noeuds sous 25 noeuds de vent bien établi (économies de gazole en vue !). Après 24h de traversée, nous arrivons dans la baie de Penzance, au sud ouest de l’Angleterre, pays de Cornouailles, avec ses jolies collines verdoyantes, avant de viser un petit mouillage abrité et ravissant. Un autre vieux ketch anglais sera notre voisin, lisant son journal avec le flegme qu’on peut attendre d’un local. La baie est splendide, sable fin (vous n’allez pas nous croire, mais on voit le fond, une première depuis la Méditerranée !), soleil, rochers immenses parsemés d’oiseaux marins et pas de houle :).

Mouillage de rêve à Mullion Cove

Hélas, le temps presse (un peu), l’anticyclone et son vent de NE ne rêvent que de nous chasser vers la France. Nous devons nous placer savamment afin de profiter de cet air si précieux. C’est là que le Perkins entre en scène. Dans une pétole digne des mers du Sud (de la France), nous avançons, face à la houle, jusqu’à la baie de Plymouth afin de profiter le lendemain, à nouveau, d’un vent favorable.

Hope Cove sera notre abri pour la nuit, entourés de voyageurs fraîchement revenus de France.

On a quand même mis le chauffage, faut pas pousser non plus, on est plus à Nice 🙂

La petite traversée de la Manche : Plymouth – Guernesey

Départ à 6h00 du matin, donc lever 5 heures. Une précision s’impose : vous croyez sûrement qu’on se lève rarement à cette heure-ci, et bien, à cause du courant de marée, nous nous serons levés pendant 4 jours d’affilée à 5h…en rêvant d’une grasse matinée. Sinon, c’est le courant de face assuré, et c’est nettement moins rigolo !

Le loch s’affole, le Nos Limites s’envole sur les flots. La traversée est très rapide, même si nous appréhendons le rail des cargos. Pour être précis, nous ne traversons pas le rail des cargos, mais nous sommes à quelques miles à l’ouest du Rail. Des dizaines de monstres flottants aux couleurs vives nous entourent, d’une apparente tranquillité, mais ne vous y trompez pas, les bêtes avancent entre 15 et 20 noeuds, chargés de tout ce que l’humain fait de pire en matière de pollution :). Nous sommes prêts, alertes, sur le pont, à surveiller les AIS et les coques d’acier, adaptant notre route. Ou pas. De très loin, nous voyons les cargos changer de cap, quelques degrés tout au plus, mais assez pour nous laisser glisser entre eux. Et cela se répète durant toute la traversée. Ainsi donc, ils favorisent les voiliers, si tant est qu’ils aient le temps de les voir. Très agréable pour nous, voileux, qui n’avons pas à changer le cap d’un pouce. Merci les cargos ! Nul doute que si nous avions directement traversé le rail, nous n’aurions pas eu cette chance.

Nous n’aurons pas le temps ni le loisir de visiter Guernesey, ce sera pour la prochaine saison. Nous découvrons la magie des courants contraires à l’arrivée et le vent de 15 noeuds sur la Manche devient un petit 25 noeuds en se renforçant aux abords de l’île par l’Ouest. Le courant tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour de l’île, pratique ! Fabrice se saisit de la barre, notre petit pilote étant tout déboussolé par ces courants fourbes. Il faut dire que notre quille de 30 cm de large, et longue, trop longue, se prend méchamment les courants, faisant dévier de 20 degrés le Sharki, qui peine à garder son cap. L’arrivée au mouillage du petit port est un délice, sous un soleil doré de fin de journée. Comité d’accueil obligatoire : des dizaines de goélands réclamant de la nourriture, la bave au bec. Les formalités nous emmer**** : aller au port (très exposé à la houle et à 55 euros la nuit sans eau ni électricité), remplir le papier jaune réglementaire, le mettre dans la boîte aux lettres des douanes, tout ça à 17h30. Non merci, flémards comme pas deux, nous hissons le pavillon jaune, lui aussi, et décidons d’explorer Jersey le lendemain.

Départ à l’aube, l’heure bleue de Guerlain prend tout son sens, davantage encore sur les mers

Jersey

La journée s’annonce superbe et ensoleillée, une occasion rêvée de visiter Jersey, une fois les formalités en ligne (faciles !) réalisées. Le mouillage dans la baie de saint Hélier (la capitale) est technique. Nous mouillons à 13 mètres de fond (3 mètres à marée basse, il ne faut pas se tromper dans le calcul des marées). Nous voici donc à 300 mètres de la côte en plein milieu de la baie, entourés de chalutiers, qui vident ce qui reste de vie dans la baie.

Moment d’allégresse, la rillette étant interdite en Angleterre, nous pensions avoir consommé tous les pots mais non ! Un pot caché au fond de la cambuse a sauvé la navigation !

Le débarquement est rock’n’Roll ! Nous attendons que la marée soit relativement haute, afin de moins marcher avec l’annexe sur la plage :). Débarquement entre deux gros rocher, manutention de notre petit dinghy et escalade sur les rochers le long de la plage jusqu’au mignon petit village de St Aubin.

La plage de (notre) débarquement à St Aubin

C’est un village pittoresque, peu touristique en cette saison et très calme. Les seuls bruits que vous entendrez seront les cris d’oiseaux et le bruissement du vent dans les fleurs colorées des ronds-points. L’adorable port d’échouage à notre droite, le pub du village à notre gauche, nous traversons l’axe principal jusqu’à la ville et ses commerces puis un petit bois rempli d’oisillons curieux.

Le retour se fera par le bord de mer, avec en prime, une belle séance de yoga sur la plage, sous le regard sceptique des Jersiais.

Nous faisons même l’offense à la population de déguster scones et clotted cream avec un bon thé earl grey à midi, horreur suprême (normalement c’est à l’heure du thé mais l’équipage est rebelle). Mais ils ont l’habitude, sans doute, de l’arrogance et de la rudesse des français.

On fait les malins mais la marée monte, vite au dinghy 🙂

La journée se termine par une dégustation de houblon local accompagné d’un burger de boeuf de jersey, d’une part si généreuse que même le capitaine refusera un dessert, du jamais-vu !

L’équipage affamé attend sa pièce de boeuf !

Granville

La saison se termine en beauté, sous un soleil qui ne faiblit jamais, le vent nous porte jusqu’aux îles Chausey, nous abandonnant doucement à midi, heure anglaise, devant la baie de Granville. Nous avions calculé un départ à 6h (encore lever 5h, horreur), pour une arrivée à midi à Granville. Mais, ami(e) lecteur(trice), nous avions oublié un détail technique : Jersey c’est l’heure anglaise ! Granville, c’est l’heure française. Tu saisis ?

Une sueur froide nous saisit quand l’équipage se rend compte que le Nos Limites franchira la porte du port à 13h et non 12h, donc avec un marnage encore suffisant puisque la porte se ferme à 14H….La veille nous hésitions à partir une heure plus tard, lassés des levers un peu trop matinaux. Heureusement, l’arrivée se fera à une heure encore raisonnable et nous touchons le quai à 13h10 française ! Magnifique !

Pile à l’heure pour la porte !

Le port de Granville est sympathique, la ville est très agréable, en particulier la haute ville qui nous toise dès l’arrivée. Ici, point de tourisme de masse étant donné la saison. A l’étale de marée basse, la Manche se retire, laissant le sable apparaitre dans une baie immense et enchanteresse. Bref, une ville extraordinaire que nous aurons l’occasion de découvrir, mais il ne faut pas trop le dire !

Voici donc le lieu où nous passerons l’hiver, avec un grand plaisir mais déjà en train de préparer la navigation vers le grand Nord.

Granville c’est ça !

Laisser un commentaire