From Douarnenez to Dublin : saison 3, épisode 2

Les iles Scilly

Plus connues par les Français que toute autre île britannique, les Scilly se vantent d’être un lieu magnifique, naturel et peu commun, avec un climat tempéré propice à une végétation luxuriante. L’équipage confirme ! Ce petit archipel est un pays de Cocagne, avec une activité portuaire fourmillante et incessante : des petits dinghys aux méga ferries, le port ne désemplit pas. La première excursion a terre se fera en dinghy, marchant en équilibre sur un ponton flottant plus qu’instable et dont les mouvements sont amplifiés par le clapot, challenge !

Un des deux pontons de dinghy ! Les anglais ont le sens de l’hospitalité !

De notre poste d’observation, nous voyons les frenchies arriver avec leurs OVNI 50 ou leurs Dufour 45, essayant de jouer des coudes pour atteindre l’unique borne de ravitaillement en eau douce, moyennant 1 pound ! Sauf que pour l’atteindre, il faut se mettre à couple avec le bateau de pêche, puis le bateau des écossais, puis celui des anglais, etc…nécessitant pour cela un tuyau d’eau d’une longueur égale à la tour Eiffel. Pendant ce temps, le dernier français arrivé fulmine et tourne dans un port bien trop petit pour lui.

Le dernier bateau n’est pas encore arrivé !

L’équipage, affublé de son équipement de rigueur (pull en laine fine, veste coupe vent et bonnet dans le sac) côtoie le Local, en slip de bain, affichant fièrement sa peau d’albâtre et sa chevelure flamboyante en faisant des bonds dans une eau à 18 degrés (ressentie 10 avec le vent).

Mais passons ! Notre premier objectif est l’exploration ! Nous apprenons que les îles étaient une place forte depuis le XV ème siècle (pour prévenir l’invasion des Français, encore ceux là !) et c’est ainsi que nous parcourons le sentier faisant le tour de l’île St Mary (la plus grande), à la recherche de ces sites historiques. Notre regard se perd sur l’océan, aujourd’hui si calme, qui nous a accueillis par 30 noeuds de face :). Nous en profitons pour repérer de notre perchoir (et oui ça monte un peu) les chenaux d’accès, les écueils et autres zones « bitch » à éviter lors de notre départ. Notre chemin est pavé de fleurs, de mûres presque mures, sous un ciel d’azur merveilleux, et nous rencontrons quelques vaches, aussi flegmatiques que tout le monde, allongées dans l’herbe face à l’océan.

Des petites emplettes sont réalisées et nous découvrons, stupéfaits, que les produits laitiers sont moins chers qu’en France, nettement meilleurs et plus variés. Idem pour bon nombre de produits alimentaires. Nous nous disons de plus en plus que la vie en France est désormais très chère, n’en déplaise au cliché des prix anglais.

Comment visiter cet endroit sans une escale au Mermaid ? Le légendaire pub, autrefois repaire de marins et de pirates. L’accueil est chaleureux, dans une ambiance bon enfant, et le pub est bondé à l’heure de l’apéritif. Armés de nos deux pintes de la bière locale : la « sea fury » ou fureur marine pour les francophones, nous détonnons, vêtus de nos tenues de sortie élégantes, assis parmi les visiteurs d’un jour en T-shirts estampillés « Isles of Scilly », de tongs roses pastel ou de tenues de travail pleines de peinture (il faut bien que certains travaillent sur l’ile quand même). Les langues se délient; l’anglais parle facilement et nous raconte sa vie, et c’est avec plaisir que nous discutons, assis dans nos fauteuils avec le flegme le plus total. Un autre pub fera l’objet de notre visite, l’Atlantic, plus bobo, moins cher et moins touristique que le Mermaid où nous nous adaptons au rythme local, littéralement vautrés dans des fauteuils Chesterfield qui nous tendaient les bras.

Nous n’aurons malheureusement pas le temps de nous attarder sur les Scilly. En effet, dame Météo est de la partie. Dame Erin, un joli ouragan venu des USA, daigne nous rendre visite accompagnée de ses vagues de 5 mètres et de ses rejetons : les rafales à 50 noeuds. Notre Nos Limites quitte ainsi le mouillage, en direction du Nord, afin d’explorer (et aussi de fuir la misère) les terres britanniques.

Les Cornouailles

Le sud de l’Angleterre, c’est la riviera, les plaines verdoyantes, et les courants de l’autre monde qui commencent. Usant de ces informations, le bateau file à 9 noeuds, parfois 10, avec un vent très léger. Nous n’utilisons presque plus le moteur lors de nos traversées, même dans les anticyclones. Nous n’oublions quand même pas le monstre météo qui nous suit tranquillement : 230 miles nautiques sont parcourus en 4 jours, fatiguant l’équipage qui raccourcit pour une fois ses escales. St Ives est une jolie baie calme et sans attrait notable, mais elle va nous offrir un superbe abri contre la houle d’ouest de 2 mètres quasi permanente sur ces côtes. Comme à chaque fois, le mouillage est calme, bercé du bruit des oiseaux et des splash des fous de bassan qui fracassent la surface de l’ondée avec panache.

baie de St Ives, à coté de la baie de la « mère de saint Ives » et non ce n’est pas une blague !

C’est une toute autre surprise qui nous attend : l’île Lundy.

La lundy au soleil

C’est une chance qu’on aura jamais, chaque fois c’est pareil. Je m’égare…

Petit caillou placé savamment sur le chemin de notre fidèle monture, cet endroit apportait sans nul doute l’attrait de la protection de la houle d’ouest. Mais pas seulement. Voici l’histoire.

Après 70 miles parcourus un peu au moteur, hélas et beaucoup à la voile, notre ancre fixe le sol de cette île, qu’on peut décrire comme un petit paradis. La houle cesse instantanément, et nous sommes à l’heure de l’étale, sans courant notable alors que la mer est d’huile. Le vent qui nous cassait les pieds de face cesse immédiatement et nous nous retrouvons dans un décor surréaliste : falaises, chateau posé sur le plateau, coucher de soleil digne des films les plus romantiques mais pas de trace de vie. Deux autres navires de locaux partagent le mouillage. Intrigués par cet endroit incroyable où les otaries curieuses nagent autour de nous, nous accostons et entreprenons l’ascension de la crête. En sueur et sans regret nous voyons l’océan à perte de vue après au moins 400 marches (ressenties 1500 je dirais). Dans notre orgueil typiquement français, nous avons fait fi du panneau « entrance only », persuadés que nous trouverions une voie pour descendre.

Et bien non ! L’anglais ne ment pas, nos marches nous manquaient déjà et nous voilà à redescendre pour monter la route principale. Nous suspectons immédiatement la présence d’une taverne en raison des 15 futs de bière qui sont posés sur le quai principal !

Première étape : le mouillage sur l’île Lundy

En montant la colline, le paysage apparait progressivement. Le soleil couchant apporte des reflets mordorés sur l’herbe roussie par le soleil et entourant une immense abbaye (celle que nous avons confondue avec un château) puis au loin…la mer. Des portails sont dressés sur la route pour empêcher les bêtes de sortir, des chevreuils curieux nous observent à distance raisonnable. Nous commençons à regretter de ne pas avoir pris quelques pounds pour quémander la dive boisson à base de houblon !

L’abbaye ouverte jour et nuit !

Nous manquons de rire, tant nous sommes surpris : un bureau de poste minuscule vendant des timbres à thème spécial « lundy », une mini supérette, un camping improvisé dans le champ d’un paysan, des voitures de pompier d’un autre temps… Nous nous sentons 100 ans en arrière et pourtant, l’île fourmille de touristes venus profiter de la nature. Nos sens ne nous ayant pas trompés, une taverne pleine à craquer !

Marisco tavern

Nous voyons même au loin sur la colline, un ULM avec une tente plantée dans les champs ! Sympa le week end bucolique : on décolle vite fait, une nuit à la campagne, puis on rentre sur la côte en ULM, incroyable ! Nous rentrons au bateau dans une nuit noire, bercés par le clapot et les cris des macareux qui s’activent autour des gréements pendant la nuit. Le ciel est tapissé d’étoiles et nous avons même la chance de voir la voie Lactée. Les yeux plein d’étoiles, l’équipage quitte le mouillage à l’aube pour attraper ces fichus courants.

La petite otarie qui vient nous dire au revoir, à « lundy » prochain

Skomer island

Et c’est reparti pour une journée vers le Nord. Le vent est calme, très très calme et il est temps de faire joujou avec le spi. D’abord propulsés à fond (ça veut dire 6 noeuds pour nous), les courants évidemment s’inversent et notre bateau progresse à 1,5 noeuds puis de nouveau 6 noeuds !

Nos compagnons de route entre deux îles

Notre terre d’accueil pour cette étape sera Skomer island : un petit refuge fabuleux, avec seulement 3 bouées pour les visiteurs ! Nous approchons du mouillage, espérant terriblement qu’une des bouées sera disponible. Officiellement il ne faut pas dépasser 8 tonnes pour s’y accrocher mais :

1 : il n’y a pas de vent

2 : personne ne va vérifier

3 : Notre nos limites ne sera pas le seul à avoir menti sur son poids pour avoir des faveurs

Un seul petit navire sera notre compagnon de la nuit, nous sautons de joie. Imaginez une île avec 10 000 oiseaux, dans une baie quasi fermée, protégée de la houle, sous un ciel bleu éclatant et en compagnie de deux otaries qui constituent notre comité d’accueil !

Il est interdit d’y débarquer sans débourser 20 pounds et surtout sans l’accord du gardien qui paraît-il, est inflexible sur les horaires, lui qui vit dans une maison surplombant la baie. Il y en a qui ont vraiment des vies difficiles !

Les fameux macareux et non la photo n’est pas de nous ! De ces « puffins » nous ne verrons que les déjections sur le taud de soleil et les cris très glauques toute la nuit !

Le Grand Nord !

Ici débute notre ultime ascension vers le St George Channel, ultra protégé des vents qui arrivent mais surtout des vagues ! Un vent portant nous pousse dans le canal, le courant aidant ou non. Le courant, est constant et l’équipage apprend à s’en servir. Nous franchissons ce dernier à 11 noeuds avant de passer à 3 noeuds…puis 11. Mais déjà, la dépression nous rattrape. Passant de 9 à 27 noeuds de vent en 3 minutes, un petit foyer orageux nous souhaite une bonne arrivée, le tout dans une nuit sans lune, avec seulement deux phares pour symboliser la côte. Propulsés à 10 noeuds, nous arrivons enfin dans une baie protégée pour attendre les vents violents qui rappellent ceux de Méditerranée. Nous sommes au nord du Pays de Galles; la baie semble un trou paumé, Porth Dinllaen. Armés de nos téléphones, nous nous rendons compte que c’est un village disposant d’un nombre considérable de pubs, restaurants, supérettes, laveries, etc… Tout disposés à attendre de meilleures conditions pour rejoindre Dublin, nous réalisons une approche pour visiter ce lieu, sous le regard de quelques plaisanciers qui sourient en voyant le nom du bateau.

Porth Dinllaen en attendant l’exploration

Suite au prochain épisode.

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