Lors de la précédente saison, le Nos Limites poursuivait son chemin depuis Barbate, au cœur du détroit de Gibraltar, en direction du Portugal. La navigation est malheureusement contrainte par un paramètre MAJEUR : les orques sont sur zone et notre morceau de plastique flottant (de 10 tonnes tout de même) n’est pas de taille à supporter les assauts de monstres de 5 tonnes (surtout le safran).
Nous avons ouï dire par un bateau de Sea Shepherd (les protecteurs de cétacés), que les interactions entre les bébettes et les safrans étaient à leur maximum entre avril et le mois d’août. On peut dire que l’équipage a bien choisi sa période pour naviguer ! En effet, le capitaine et moi même sommes devenus les rois des statistiques et, à priori, le mois de mai semble le pire.:)
Mais cette année, il y a une petite nouveauté : en théorie et un peu dans la pratique aussi, ces mesdames n’affectionnent pas les eaux peu profondes ; logique me direz-vous… Le conseil : suivez la ligne des 20 mètres de fond et en dessous…et « normalement » cela devrait bien (se) passer.
Ajoutez à cela le manque criant de vent dans le golfe de Cadix et de Huelva et voilà notre petit Sharki transformé en fabuleux bateau à moteur tout au long de la découverte de la côte.
Extrait d’un dialogue lors d’une traversée de 10 heures, en côtier, ET au moteur :
-Fabrice : il te plaît notre canot à moteur ?
-Céline : oui, très joli. C’est quoi ces deux gros poteaux en aluminium posés là ?
-Fabrice : je crois que, parfois, en cas de vent, on y accroche des morceaux de tissus qui font avancer le bateau !
-Céline : on vit dans un monde formidable…
Il faut s’imaginer ce dialogue en haussant la voix, en raison des 80 décibels du Perkins, qui ronronne tranquillement depuis qu’il a sa nouvelle pompe d’injection, la transplantation a bien fonctionné.
Bref, séance de fou rire en perspective ; il faut bien meubler ces longues heures monotones.
Cela reste un mal pour un bien, et vous n’entendrez aucune plainte depuis le cockpit, puisque la traversée dans cette zone (très) tendue s’est effectuée sans encombre. Un des espoirs secrets des navigateurs est d’observer des baleines lors des traversées, de les voir évoluer près des navires malgré leur puissance, mais, dans ce cas, l’objectif est de ne surtout pas les voir ! Jumelles vissées sur les yeux, lunettes polarisées, radar…le kit du parfait explorateur. Triste, peut-être, mais si ça peut nous éviter des soucis, ce n’est pas plus mal. En suivant cette nouvelle route, les interactions ont diminué de 70 % depuis l’année 2024.
La proximité avec la côte nous permet de mieux en voir les finesses ; elle défile sous nos yeux et change progressivement. Après avoir quitté Barbate et ses magnifiques montagnes constellée d’un maquis émeraude, les bandes de sable couleur d’ivoire remplissent le paysage. Nous croisons moult plaisanciers dans la bande des 20 mètres, rasant parfois la côte jusqu’à prendre de gros risques (filets de pêcheurs, zones franchement trop peu profondes…). La peur fait parfois faire de drôles de choses ; nous maudissons évidemment les pêcheurs de thon rouge qui tendent des filets de 2 miles nautiques de long, parfois jusqu’à la côté et, lorsque le sondeur affiche 24 mètres en les contournant, notre coeur marque des arrêts ponctuels.
Nous voilà à Cadix, dans un port absolument vide mais parfait pour nous âmes d’asociaux, avec tous les services possibles et le calme absolu qu’on est en droit d’attendre après une journée entière de notre vieux et tolérant Perkins dans les oreilles.

La ville de Cadix mérite le détour : à l’instar des villes d’Andalousie, la propreté saute aux yeux du petit voyageur français . Tout est immaculé, calme, la priorité est donnée aux piétons et surtout, la ville est aménagée pour eux, et non pas pour les automobilistes, qui sont devenus rares.

Les piaillements des touristes expulsés par centaines des paquebots de 22 ponts vont s’estomper à la nuit tombée pour laisser place aux ruelles calmes et insolites du labyrinthe pavé historique. Les jardins sont des havres de paix accessibles tard, et la fraîcheur de la ville a pu être conservée grâce aux vieux arbres qui tapissent la ville, sortes d’oasis dans la chaleur déjà dantesque du mois de mai.



Nos progrès en espagnol nous permettent de faire les marchés et de déguster les meilleurs plats du coin, étant donné que très peu de personnes comprennent l’anglais (bon investissement intellectuel!).

Nous partons avec plaisir et une pointe de nostalgie de la ville, à l’aube, nous préparant mentalement à un énième cabotage motorisé.

Un plaisancier français et son épouse nous ont mentionné le nom d’un fleuve : Rio Guadiana. Évidemment, novices dans cette région, ce nom n’évoque rien du tout. Il s’agit du fleuve qui marque la frontière entre le Portugal et l’Espagne. D’une berge à l’autre, deux cultures se côtoient, le gazole du Nos Limites ne fait qu’un tour et le voilà qui s’élance à l’étale de la marée, droit dans l’embouchure. Of course, nous avons le vent dans le dos, et la marée (légèrement) descendante de face. Voici ce qu’on appelle une barre -une petite barre- et la vitesse affichée passe de 8 nœuds à 4,2…la remontée va être longue ! Mais peu importe, on s’accroche et finalement, notre pioche est plantée dans 3,3 mètres de vase (on serre les fesses à marée basse) et la nuit est une des plus calme que nous ayons expérimentée depuis longtemps. Passée la violence sonore des jets skis, des bateaux à moteurs lancés à fond et de leur musique au goût douteux (en tout cas il était jugé douteux par l’équipage du nos limites), tout s’apaise.

Les cigognes colonisent les berges à marée basse avec leurs oisillons, les petits martinets découvrent les joies du vol au crépuscule et les sternes font leurs démonstrations de pêche. Pour ceux qui n’ont jamais vu de sternes pêcher (petit briefing) : elles repèrent la victime, se positionnent en vol stationnaire à 2 ou 3 mètres de la surface, et plongent en piqué, tête la première dans l’eau. Peu gracieux mais terriblement efficace. La gerbe d’eau ressemble à l’évent d’un cétacé (les sternes nous auront fait battre le coeur plus vite le long de la côte). Le manège dure un moment et nous nous plaisons à les observer, confort seat sur le pont et petite bière glacée après cette remontée musclée.

Désireux de découvrir l’Algarve, le sud si touristique du Portugal, nous poursuivons en direction d’Albufeira et là…totale déconvenue. Le monde est foutu comme diraient certain(e)s.
Une marina bling bling comme on en voit rarement, des bâtiments en forme de LEGOS géants multicolores (nos yeux ont saigné devant tant de laideur, nous épargnerons donc ceci à nos lecteurs), et des troupes d’anglais ivres morts devant des écrans gé(n)ants, leurs yeux vitreux lorgnant le dernier match. Magique…
Au moins leurs cocktails sont fabuleux et nous avons même testé le Sharky Bar ! La seule chose qui rattrape la gangrène du tourisme de masse reste la gentillesse des locaux, bien conciliants devant ce monde uniformisé. La visite de la « vieille » ville est du même acabit : les murs faussement blanchis à la chaux sont cachés par les millions de magnets et de souvenirs authentiques « made in Portu-Chine ». Aucun restaurant portugais ne sera retrouvé le long de notre promenade. Par contre, si vous cherchez un english breakfast, vous êtes au bon endroit ! Pour une fois, notre unique nuit au port est restée une unique nuit. Ce n’est pas le Portugal, c’est un Disneyland pour adultes accros aux cocktails et aux paysages améliorés. Dommage.


Dégoûtés par la côte de l’Algarve, pourtant si belle depuis la mer, nous avons choisi un joli mouillage dans la baie de Lagos, le temps d’oublier cette horreur, toujours en côtier, s’il vous plaît.

La côte sud se termine dans la grande et protégée baie de Sagres, juste au ras du Cap St Vincent, parfois redouté.
Nous attendons un répit dans les Alizés Portugais, qui commencent doucement à s’établir avant de franchir le cap à l’aube. Certains bateaux de voyage du Nord (Norvégiens, Anglais) ou du Sud (Italie, et France) s’y retrouvent le temps d’une nuit pour poursuivre leur route.
Dès le lendemain, appareillage à l’aube, lever à 5h30, nous avons 100 nM à parcourir avant le coucher du soleil, les journées durent très longtemps à l’ouest et il est une heure de moins au Portugal, gros avantage (mais pas pour le calcul des marées!)

Le franchissement du Cap St Vincent est aisé, à 1 mile de la côte, après un départ dans la pétole ; pétole au mouillage mais 17 nœuds au Cap tout de même ! Le vent se calme quelques temps après ce passage, tous les caps même ceux d’apparence calmes, doivent êtres franchis avec circonspection. Pas d’épaulards en vue, alléluia ; de toutes façons il aurait été impossible de se rapprocher des côtes étant donné la dangerosité de la zone.
Nous faisons la course avec le soleil, direction Sesimbra pour un joli mouillage où l’ancre accroche le fond au moment où le soleil disparaît à l’horizon.
Demain nous approcherons Lisbonne et le fleuve Tage. Comme le Tibre à Rome, Lisbonne s’apprivoise d’abord par le fleuve.
Découverte de Lisbonne dans l’épisode 2.
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