La saison 1 du voyage va s’achever avec le passage du fameux détroit de Gibraltar. Il est clair que ce n’est probablement qu’une initiation avant d’autres moments « clés » de la navigation et il est d’autant plus certain que la préparation est indispensable.
D’abord, si vous le voulez bien, commençons par la préparation du bateau et du moteur.
Après quelques jours passés dans la super marina d’Alcaidesa dans la baie de Gibraltar, nous nous dirigeons vers un mouillage très protégé dans l’attente du bon moment pour passer.


Les heures défilent et nous nous disons que la petite fuite de gazole au niveau d’une vis de régulation de la pompe d’injection pourrait bien bénéficier d’un petit coup de clé. Nous avons encore 3 jours d’attente après tout. Seulement voilà, dans la manœuvre, il y a peut être eu un coup de clé de trop (misère…) et, par malchance, la fameuse vis a cassé DANS la pompe à injection. Du carré, j’entends le moteur tourner, puis ralentir, puis caler (sur l’entrée d’air) et là, s’installe dans le cockpit un silence profond et lourd suivi d’exclamations vives et agitées (super agitées, en fait super super agitées).
Voici la situation : nous sommes au mouillage, avec 80 mètres de chaîne (nous avons tout déroulé pour bien la rincer et la tester), le moteur évidemment ne démarre plus et….pour remonter 80 mètres de chaîne, c’est beaucoup beaucoup mieux avec un moteur qui tourne. A la main, pour être honnête c’est dur dur -rires- surtout avec une ancre de 25kg et une chaîne de 10. Comme dans la chanson Gérard Lambert, voici l’intrigue (de ma chanson).
Je ne cacherai pas au lecteur que mon sang n’a fait qu’un tour. L’équipage, pris au dépourvu, décide de changer la pompe d’injection au mouillage, free style et foutu pour foutu, et il s’avère que le capitaine en plus de nous avoir sauvés avec son démarreur de secours utilisé à Port Vendres, a également, bien caché dans les cales une petite pompe d’injection toute jolie, tarée et prête à l’emploi !
Une après midi de démontage, changement des joints, remontage, purge moteur etc, plus tard, le moteur démarre, miracle ! Mon coeur frissonne quand je pense aux accès quasi impossibles pour serrer les boulons (merci les petites mains), aux clés anglaises (moteur anglais oblige).
– Fabrice : pour les injecteurs je crois que c’est la clé de 5/8ème, ah non, la 9/16ème, ah non c’est ça la 5/8ème.
-Céline : attends sur le manuel, la vis de purge de la pompe c’est du 7/16ème, et les banjos des injecteurs du 5/16ème.
– Fabrice : j’ai perdu la clé 1/2
–Céline : Tiens, voilà.
– Fabrice : non l’autre clé, celle qui a une forme asymétrique !
Tout ça de 13 heures à environ 21 heures ! YESSS
Bref, un dénouement heureux et le bateau qui est maintenant fin prêt pour ce 17 mai, ainsi que l’équipage, qui récupère grandement le moral, puisque le petit Perkins tourne comme une horloge avec encore sa fuite de gazole, qui devient nettement moins urgente à réparer. Après une re-purge, un réglage du ralenti, un réglage du système anti calage…Qui a dit que les vieux moteurs étaient tolérants ? Un millimètre de serrage en plus et BAM, monsieur décide de caler ! Le perkins est un vrai Lord !




Après cette joie inattendue, s’impose le deuxième point capital, une préparation stratégique : la météo.
Nous avons lu, entendu tout et son contraire et quelques histoires de chasse bien farfelues sur les pontons, et sur internet. Toujours est-il que la météo reste plutôt objective, sauf peut être en Méditerranée ? Rires !
L’idéal dans le sens Est OUEST ?
C’est un léger vent d’EST (j’ai bien dit léger). Rien ne vaut à priori un petit vent portant pour nous appuyer à la voile, et cela va nous être grandement utile.
Voici les prévisions météo de vent dans la zone au moment du passage.

Le vent annoncé était de 10 nœuds à l’entrée du Détroit (Gibraltar) et 18 nœuds à la sortie (Tarifa).
Dans la vraie vie, effet Venturi et courant compris, nous nous sommes pris 30 nœuds dans le dos, autant vous dire que le Nos Limites s’est fait bien brasser. Le petit navire s’est fait catapulter hors du détroit avec panache.
Mais, reprenons…Avant de traverser, et maintenant que le vent est avec nous (il a quand même fallu attendre une semaine, avec un seul jour de vent d’EST!), voyons un peu les courants et la marée. Ce sont des notions qui, pour nous, méditerranéens, nous sont abstraites. Et pourtant il faut choisir exactement le bon moment.


Pour profiter de la toute puissance du courant sacré, il nous faut partir 3 heures après la marée haute à Gibraltar ; par chance ça nous donnait 9h30 du matin, de quoi faire une bonne grasse matinée. Détail important : si un vent fort d’ouest survenait la veille, les courants seraient grandement modifiés. Or, la veille, les vents se sont calmés, la fenêtre est donc grande ouverte mais pas pour longtemps.
Le plan est simple : la première heure, le courant est annoncé contraire à 1 nœud, puis il s’annule, puis il nous pousse, si tout se passe comme dans les livres. Croyez-le ou non, pour une fois, cela s’est passé comme attendu. Nous avons commencé par longer la côte pour profiter du retour de marée et le courant s’est inversé pour nous aider : 2 nœuds de courant dans le dos, associés aux 20 puis 30 nœuds ! Un bout de voile, le moteur tranquille et, étonnamment, tout s’est passé admirablement et nous pouvons dire avoir observé Tarifa de très près ! Au passage, je comprends pourquoi c’est un spot de surf aussi réputé.
Quelques minutes après Tarifa (la sortie du Détroit), la mer se calme, les remous s’estompent et, 20 miles plus tard, le vent se calme également. Sidérant. Incroyable. Nous voyons les montagnes Marocaines se perdre dans la brume et le détroit disparaître derrière nos 8 nœuds de moyenne ! Et oui, passé Gibou, le courant a continué de nous aider jusqu’à Barbate. D’où l’intérêt de partir 3 heures après la marée haute et pas 6 heures !

Dernier point et pas des moindres : les orques (que Deniau décrit comme le méchant cousin du dauphin en précisant qu’aucune famille n’est parfaite) !
Toutes les mesures, les couleurs de coques, les intruments, les pétards, tout ça…Après lecture angoissée des mille témoignages et évènements, nous nous rendons compte que le meilleur conseil est le passage dans la zone des 20 mètres de profondeur et moins. Ces gros bestiaux restent à priori à bonne distance de la côte, et, effectivement, cela se vérifie ! Tous ceux qui ont suivi ce précieux conseil n’ont rien vu, ce qui nous sied totalement.
Une sorte de bouée noire bien brillante de pêcheur observée juste après Tarifa à 60 mètres de fond a failli nous provoquer une attaque mais c’était seulement une bouée !
D’ailleurs, les jours passent et nous nous félicitons de cette décision de faire du rase-motte, puisque, dans le même port que nous, un splendide catamaran flambant neuf de 16 mètres a offert ses deux safrans aux orques la veille de notre arrivée. L’équipage se trouvait très très au large : 20 milles des côtes. Rassurant, surtout dans la mesure où notre départ pour Trafalgar puis le Portugal se profile dans quelques jours. Trafalgar reste une étape essentielle, avec ses fameux hauts-fonds, tourbillons, et courants. Les soldats de Napoleon ont dû bien galérer à l’époque, sans moteur.
Passé le détroit, la ville et le port de Barbate s’offrent à nous. La ville tient son argent quasi uniquement du commerce du thon rouge qui sont sagement élevés et stockés dans ses filets ; filets qui, au passage, mesurent plusieurs miles de long. Mieux vaut rester à distance. Les orques étant friands de thon rouge, autant ne pas s’approcher de la zone. La ville vue de la mer ressemble à un affreux amas de béton, sans aucune recherche de l’esthétique. Le port a visiblement était conçu par le même architecte et, comme l’on entend souvent, il ne faut pas se fier aux apparences.
A fond sur nos vélos, nous découvrons une ville située au bord d’un étang (comme Gruissan!), avec des bâtiments blancs et parfois des toîts de chaume. Les rues sont calmes, le bord de mer est vivant et la plage située au coeur de la ville nous laisse le plaisir de toucher son sable doux comme une étoffe de soie blanche.


La découverte ne s’arrête pas là : il s’avère qu’un magnifique parc naturel se trouve à 10 minutes à pied du port, et nos pas vont nous emmener jusqu’au cap Trafalgar dans un labyrinthe de pins, de genévriers centenaires et d’un maquis fabuleux et parfumé, qui ceinturent une côte sablonneuse immaculée et tranquille. Une merveille. Et pourtant, cette étape n’est pas privilégiée des navigateurs qui filent vers Cadiz puis vers le Portugal sans jamais s’approcher de Barbate.



Un proverbe russe nous vient pour la conclusion de cet épisode : « Nous avons fait au mieux, mais tout s’est passé comme d’habitude ».
La promenade à la plage nous a donné envie d’une chasse aux coquillages ! Nous avons fait une belle prise : un safran ! A Barbate, les coquillages sont en fibre de verre !

Dans la saison 2, vous aurez l’immense plaisir de nous suivre en Atlantique de Gibraltar à L’Irlande et au-delà !

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