Carnaval et Aventures en Guyane : Un Séjour Inoubliable

Dans le cadre de mon métier, on peut considérer la chance de pouvoir voyager facilement tout en travaillant et, c’est dans ce contexte que nous découvrons ensemble, Fabrice et moi, la Guyane.

Premier contact timide avec la Guyane

Après 9 heures de vol (plus ou moins trois heures d’attente à Paris sous les lumières blafardes et le béton gris de l’aéroport de Roissy) nous voilà enfin à Cayenne. Tous ceux qui nous l’avaient décrit avaient raison : c’est une ville foisonnante, verte. Tout ici dès la sortie de l’aéroport est absolument vert, du vert comme nous n’en avons jamais vu en métropole : les plantes ont des proportions gigantesques, les oiseaux zinzinulent (merci à mes beaux parents pour le livre sur les mots rares) sans pause, et les insectes ne sont pas en reste non plus.

La période de janvier-février est celle du carnaval mais aussi de la petite saison des pluies : très agréable, avec des averses très puissantes mais de courte durée qui suffisent à rafraichir l’atmosphère en moins de deux minutes. Disons le vite, rafraîchir une atmosphère de 33 degrés avec 95% d’humidité ce n’est pas simple. Heureusement, à cette période, quelques alizés parviennent à accrocher la côte Sur Cayenne.

Sur la route vers Saint Laurent du Maroni

Choyés comme jamais par l’hôpital, nous disposons de la voiture de location, de l’appartement et de toutes les commodités possibles. La longue et unique route, la N1 qui s’étend de Cayenne à Saint Laurent du Maroni (SLDM) est d’abord rectiligne et terriblement monotone puis, doucement, se met à serpenter dans une douce courbe vallonnée et verdoyante. Les carcasses de voitures accidentées laissent place aux stands des producteurs locaux de bananes et manioc disséminés sur les bords brûlants du bitume. SLDM c’est la région des maraîchers et de l’agriculture locale et cela se voit immédiatement. Les Guyanais semblent faire fi de la limitation à 80km/h et nous nous ferons doubler par ABSOLUMENT toutes les voitures, cars, et deux-roues que nous aurons croisés…le gérant des appartements se moquera doucement de nous en signalant que nos 3 heures de trajets se transforment avec lui en 1h20 environ; un record non enviable dans cet environnement que nous pensions plutôt tranquille. 🙂 Il semble que les Guyanais se précipitent sur la route pour ensuite avoir davantage de temps pour flâner.

L’arrivée en ville : SLDM

Par où commencer ?

La ville ? Taille moyenne, beaucoup de personnes en situation illégale, et de pauvreté, et c’est surtout frappant les jours de marché où les enfants vendent à la sauvette des légumes très abîmés, presque suppliants de nous acheter les produits. Il n’est pas difficile de deviner leurs conditions de vie, en particulier dans un département avec près de 50% des habitants SOUS le seuil de pauvreté. L’aisance financière des métropolitains côtoie également celle des locaux qui ont un emploi et des possibilités pécuniaires plus importantes.

La curiosité médicale nous a poussés à aller voir les bâtiments de l’ancien hôpital : totalement délabré aujourd’hui, car faits de bois et non entretenus depuis l’ouverture du tout nouvel hôpital en 2018 (autant dire un souffle pour la population locale qui peut bénéficier de soins de qualité mais surtout dans des locaux impeccables). L’ancien hôpital est à l’image de la ville avec une majorité de maisons soit peu entretenues et couvertes de plantes (pluies obligent), soit bien tenues avec des portails et des murs recouverts de barbelés et de tessons de bouteilles pour se protéger des cambriolages. La ville toute entière et probablement le département, sont ainsi faits de contrastes clivants.

L’ambiance ? Bonne, très (très très, très ) agréable. L’accueil est bon, calme, chaleureux. SLDM est cosmopolite : plusieurs ethnies se mêlent aux créoles et métropolitains dans une atmosphère foisonnante (Chinois, Hmongs, Amérindiens, Surinamais…), même si les journées très chaudes sont calmes à l’heure de la sieste. Nous nous faisons d’ailleurs très vite au rythme local, avec seulement 4 heures de décalage horaire.

la baie (et la marina sur bouées) de Saint Laurent du Maroni
le fameux carnaval qui dure deux mois !

Le travail

Les premiers pas à l’hôpital montrent un lieu d’apparence tout à fait ressemblant à l’Hexagone, en plus flambant. Le lieu est neuf, dispose de tout le matériel souhaitable, les blocs sont rutilants et les possibilités d’opérer faciles à des heures ouvrables ! Que de bonnes nouvelles !Je sens un accueil jovial comme jamais et des tentatives de me faciliter la vie spontanées. Waouh, grande différence avec le CHU : on prend au sérieux mes indications, mes diagnostics et mes actes. Finie la tyrannie des séniors qui ont tout compris à la médecine et imposent leur expérience. Même Confucius l’a dit : « L’expérience est une lumière qui n’éclaire que celui qui la porte ».

Passées ces considérations philosophiques, ce fut une expérience mémorable. Les confrères étaient adorables, aidants, pleins d’humour et de sérieux. Le docteur N se souviendra surement de notre cadeau de départ : une courge Giraumon de 3 kg et des tonnes de fruits frais :).

Quelle variété dans l’exercice ici ! Outre le fait que les équipes étaient tout simplement géniales, comme dans tous les hôpitaux où j’ai travaillé d’ailleurs. Je pense toujours aux infirmier(e)s, aides soignant(e)s, confrères et consoeurs de Nice où j’ai « grandi » et j’ai retrouvé en Guyane cette bienveillance.

Me voilà au bloc à 3 heures du matin avec une torsion testiculaire à opérer (ce n’est pas ma spécialité, c’est un enfant et comment dire? je ne suis pas chir pédiatrique, et c’est une urgence vitale, personne d’autres n’est disponible et le transfert n’est pas possible !). Heureusement que les capacités d’adaptation sont les maitres mots de la chirurgie ! A citer, les coups de machettes dans le thorax, les coups de couteau dans la rate chez des gamins d’une dizaine d’années, des hernies étranglées chez un bébé de deux ans (ça donne autant d’adrénaline qu’un pataras qui pète en plein coup de vent, voire davantage). Tant de belles histoires qui marquent et qui forgent. 🙂

Le cadre de vie

La vie est simple et sans fioriture. Nul besoin de montre ici pour connaître l’heure. Le chant des oiseaux, grillons, grenouilles et autres est permanent. Il est même quasi assourdissant les premières nuits; même au coeur de la ville, nous voilà plongés dans la jungle ! Selon un planning très précis, les chants s’enchainent à toute heure du jour et de la nuit selon les espèces dans un ordre donné. Le concert s’atténue au matin à 6 heures avec la stridulation de notre oiseau préféré, qui présente toujours le même rythme, jour après jour, près de notre fenêtre. Les boules quiès réglementaires les premières nuits sont reléguées aux oubliettes et s’endormir sans le gazouillis des oiseaux (ou des singes hurleurs en forêt) devient difficile.

la plage d’Awala, à la frontière avec le Suriname
L’ancien bateau reconverti en bar sur les berges du Maroni 🙂

Notre plus belle rencontre ?

Riyou, un maraicher rencontré le premier jour de notre arrivée à SLDM. Récemment arrivé de la métropole lui aussi, mais pour longtemps, il avait rejoint ses oncles et tantes d’origine Hmong* afin de s’installer lui aussi comme maraîcher. Sans lui, nous n’aurions pas su ce qu’étaient les Ramboutans, comment préparer le gombo, les courges bouteilles, le chou Hamsoy, les pitayas…Sa gentillesse a été jusqu’à nous faire visiter la propriété familiale debout dans le méga PickUp, machette à coté de nous pour la canne à sucre, et pulvérisateur anti moustiques.

*les Hmongs sont originaires des anciennes colonies françaises d’Indochine. La France leur a octroyé des terres en métropole mais surtout en Guyane Française. En y amenant des graines d’Asie du Sud est, les terres pourtant pauvres ont prospéré et aujourd’hui, les plateaux de Cacao et Javouey (pres de SLDM) regorgent de produits frais. La seule plante locale qui y poussait en abondance auparavant : les ananas !

Jour de marché : pommes rosas, ramboutans, ananas à chair blanche, citrons verts à se damner, concombres, basilic thai, bananes dessert, Hamsoy, coco !
Soupe Hmong, grand classique du dimanche : bouillon de légumes, boeuf, crevettes, porc, le délice !

Notre plus grosse surprise ?

La ville de Kourou : un Truman show dans la vraie vie. La ville n’existe que pour le centre spatial. Pardonnez ce discours biaisé mais…des familles entières ont été délogées, relogées bien plus loin contre leur gré, pour construire un centre spatial près de l’équateur destiné à promouvoir « la grandeur française ». Tout y semble faux ; on ne voit pas la pauvreté qui est pourtant présente et il semble que l’ensemble de la population porte le polo du Centre spatial Guyanais. Aucun jardin public digne de ce nom n’est présent, les bords de mer sont dignes de la côte d’Azur avec le même faste. Tout cela est choquant comparé à SLDM, qui ressemble à une « vraie » ville, construite par le temps, les peuples, les conflits, le progrès.

Nb : pas de photos pour Kourou, circulez, il n’y a rien à voir !

Les visites à faire ?

En bons touristes, nous avons fait évidemment les îles du Salut. Il est toujours aussi sidérant d’imaginer les affres de la guillotine sèche comme ces îles étaient nommées. Sans doute, l’ile St joseph était la plus terrible; les prisonniers y étaient astreints au silence, les cellules de 2m² sans toit étaient surveillées au-dessus par un chemin de ronde. Les corps des bagnards (un mort par jour environ) étaient jetés à la pointe de la Jamaïque par une barque. A noter : un bâtiment appelé « la boucherie » où les carcasses d’animaux étaient découpées, avec un sillon savamment creusé qui permettait l’évacuation de sang directement à la mer. Objectif : attirer les requins près de l’île et donc rendre impossible toute évasion à la nage. De toutes façons les courants à 3 nœuds vers le large autour de l’île rendent toute fuite désespérée.

Fabrice dans les îles du salut, les capucins pas loin pour piquer nos chips !
île saint joseph, la pire des pires
bagne and breakfast

Les marais de Kaw sont situés à l’Est du département. Nous avons eu la joie de rouler avec la voiture de location sur la départementale 6, une sorte de piste/route/chemin sur laquelle il doit rester environ 3% de son bitume initial et cela sous la pluie et dans le brouillard, en glissant doucement sur une pente à 12 degrés. 😀 Magique ! Caimans, baignade dans les marais, réveil sous le vol des grands hérons ont marqué cette escapade.

les beaux caimans de la Guyane ; celui là est dans un zoo, ceux des marais observés faisaient 20cm, on ne peut décemment pas publier ça !
le canoe sur les marais de Kaw au lever du jour
les arbres poussent vite en Guyane !

Enfin, le carbet ! Ces maisons traditionnelles amérindiennes, sans portes, ni murs, permettent la circulation de l’air et la protection des fortes pluies. Tout y est fait à partir de son hamac (indispensable en Guyane). Cette nuit là, après une baignade dans la rivière, un barbecue sur les braises d’un feu allumés par nos soins, nous étions enveloppés par le cri des singes hurleurs, avec la brise qui nous caressait le visage et la jubilation d’entendre des p****** de moustiques bloqués par notre moustiquaire de compétition !

baignade dans la crique
attendons patiemment l’heure de l’apéro

Que retenir des clichés véhiculés sur la Guyane ? La plupart son faux !

  1. on ne se sent pas davantage en insécurité qu’à Marseille. Nous ne nous sommes jamais sentis en danger ni menacés à SLDM. A priori, l’ambiance est différente à Cayenne.
  2. les habitants sont accessibles, polis, abordables, curieux et calmes. Ceci est le point le plus important à nos yeux. Certains lieux inspirent plus que d’autres la sociabilité, l’apaisement et l’envie de s’ouvrir aux autres. SLDM fait clairement partie de ces lieux.
  3. le climat : on ne va pas mentir, le mois de Mars avec un ciel bleu éclatant, du haut de ses 38 degrés était outrageusement difficile à supporter. Je n’ose imaginer la saison sèche qui s’étend sur 6 mois !
  4. sans voiture on ne fait rien : c’est vrai ! Quelques rares bus, ne parlons pas des 200 mètres de piste cyclable occupées par des scooters, des motos et parfois des voitures 🙂
  5. la nourriture n’est pas chère : régalez vous de fruits exotiques, de légumes et de poissons locaux à des prix deux ou trois fois inférieurs à la métropole ! On se f*** vraiment de notre pomme en France métropolitaine !
  6. nous y avons mangé la pire pizza de notre vie ! Des italiens ont dû mourir quelque part dans le monde à cause de cette pizza, une horreur ! Même si on nous payait, nous serions incapable de reproduire cette abomination.
  7. mais nous y avons aussi mangé la meilleure entrecôte de Buffle local de notre existence à Mana, au Buffalo (avec sa fabuleuse crème brûlée au Ylang Ylang).
  8. l’architecture coloniale avec ses bâtiments (encore) en bon état !
la magnifique église de MANA

Une réponse à « Carnaval et Aventures en Guyane : Un Séjour Inoubliable »

  1. Bravo Céline pour ce reportage-carnet de voyage-travail.

    Christian

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