En faisant le tour de la Méditerranée occidentale, il est censé d’envisager un passage par ces Iles largement (trop) connues que sont les Baléares : Minorque, Majorque, Ibiza et Formentera.

Toutes ont leurs particularités et exercent une attractivité sur des touristes très différents. Je ne dirais pas que ce fut l’escale la plus magique de notre -pour le moment- court voyage mais quelques montées d’adrénaline ont jalonné le parcours.

Minorque la petite, notre préférée : un plateau caillouteux, caressé d’un peu trop près par les vents, à tel point que la végétation y quasi absente sur le littoral. On y trouve de beaux espaces boisés à l’intérieur des terres mais le premier abord donne l’impression d’un désert. Après avoir fait la traversée depuis Carloforte en Sardaigne, au terme de seulement 50 heures de navigation, nous voilà arrivés à l’entrée de la baie de Fornells, tout au Nord de l’île. Nous pénétrons au soleil levant par celle-ci par un étroit goulet avant de mouiller sur un beau fond de vase, bien accrocheur même sur le coup de vent que nous avons subi. L’eau n’est pas cristalline comme en Sardaigne et nous n’en avons jamais vu le fond. Nous allons y rester une semaine, casaniers que nous sommes au mouillage; il y a ceux qui partent à 8h tous les jours et ceux qui, une fois installés, profitent longtemps d’un lieu. Fabrice et moi faisons partie de la deuxième catégorie. 🙂 Première surprise : les plaisanciers peuvent débarquer à terre sans payer ni avoir d’autres problèmes puisqu’on trouve un quai spécial pour les annexes : à nous la ville avec ses 40°C à l’ombre (nous n’avons trouvé que peu d’ombre sur Minorque cela dit), ses rues immaculées, les maisons blanches « typiques ». Typique est un bien grand mot puisque l’ensemble de la ville semble construite pour les touristes; on y trouve des magasins de vêtements « minorquins », des restaurants de Paëlla, des locations de kayak, quelques bars et c’est à peu près tout…


L’âme de la ville semble dédiée à un véritable Truman Show qui met mal à l’aise à l’arrivée. Faisant fi de cet élément, qui malheureusement constitue la base du surtourisme, nous arrivons tout de même à déguster les meilleurs glaces de notre vie chez Phylco. Le séjour est agrémenté de la location d’un dériveur dans la baie, de quelques restaurants délicieux avec notre ami rencontré en Sardaigne qui a fait le même route (restaurant « typique » de paëlla évidemment) et même d’un bar souterrain très original où le serveur Équatorien nous offre une bière pour toute planche de fromage achetée ! C’est l’occasion de pratiquer la langue espagnole, fraîchement apprise. Les habitants locaux sont très sympathiques, pour peu qu’on soit poli et avenant.
Nous avons pris la décision de découvrir la ville et de ne pas multiplier les mouillages dans les Baléares pour des questions de temps et surtout pour la raison la plus évidente : quand on est bien quelque part, nous n’avons pas envie de partir. C’est donc à regret que nous quittons tout de même cette baie, et Minorque par la même occasion, pour rejoindre Majorque et avancer dans la suite du voyage.
Majorque, la plus grande, est clairement l’île que nous avons la moins aimée. C’est probablement la plus peuplée et la plus polluée. Partant de Minorque, nous avons longé la côte est de Majorque, creusée de multiples petites calas paradisiaques mais hélas envahies de bateaux à tel point que le mouillage en devenait dangereux. Un premier mouillage ouvert sur le large nous a permis de faire une pause dans la traversée. Pensant avoir vu une raie, je fonce à l’avant du bateau devant le regard moqueur de Fabrice qui me confirme que c’est simplement un gros morceau de plastique noir…premier contact pas franchement sexy. Mais les fonds sablonneux changent par rapport à Minorque.
On ne note cependant pas de zones naturelles sur la côte : ils ont construit tout ce qu’il était possible de construire ! Ce liseré d’immeubles et de resorts bruyants sur le littoral ne participe pas au charme d’une île qui a dû être un écrin de verdure quelques années auparavant. La route se poursuit vers le sud, dans une immense baie où on compte facilement 200 navires de toutes tailles et de tout type. Ce n’est pas la piqûre de méduse qui est risquée par ici mais d’étouffer l’aspiration moteur avec des morceaux de plastiques : tous les soirs, la baie se remplit avec des courants de sud, de milliers de morceaux de plastique que l’on trouve entre deux eaux… dans l’ensemble de la baie. Et ça ne semble pas choquer les baigneurs. Ces morceaux sont ensuite accumulés sur la plage, et sur cette même plage, des déchets sont sciemment abandonnés par des touristes pas franchement concernés par la pollution induite. Une petite marche vers les terres après un débarquement sportif nous montre tout de même un aspect plus « vert » et plus joli sur les anciens marais salants..qui sont eux même devenus en partie des parkings ! Les cartes des restaurants sont d’abord écrites en Allemand, puis en Anglais et enfin en Espagnol, en raison d’un afflux de touristes allemands adeptes de l’île depuis longtemps, ce n’est donc pas ici que j’aurai l’occasion de parler la langue de Cervantès. Contrairement à Minorque, nous quittons Majorque à la hâte sans jamais avoir l’envie d’y revenir.
Comment ne pas parler d’Ibiza et de Formentera. La traversée dure une nuit entière et celle-ci est ponctuée par la pêche d’un thon magnifique de 30kg (assez de poisson pour 3 semaines !), 1 HEURE 30 d’efforts intenses et voilà la bête sur la pont ! Vu l’état de la mer, avec des creux de deux mètres, la découpage se fera à l’arrivée !

Le mouillage se fait de nuit, au moteur, même si le vent nous aura accompagnés une bonne partie de la traversée, par une nuit noire, sans lune, à tel point que nous allumons le radar, impressionnés par l’absence de bateaux dans ce mouillage (cela change de Majorque !). Le thon sera découpé entre 1h et 3h du matin et les morceaux congelés pour être dégustés (ou dévorés) plus tard. Au matin, nous pouvons voir l’île : des plages de sable fin, une végétation de maquis, et l’odeur des herbes qui arrive au bateau ! Les fonds sont clairs même à 10 mètres. C’est ici que nous ferons la connaissance de français en leur offrant un excédent de poisson et qui nous inviterons ensuite à bord de leur bateau pour déguster le dit poisson façon thaï. La nourriture a toujours rapproché les Hommes. Formentera est plus tranquille que les autres îles, plus préservée du tourisme bétonné et plus silencieuse; c’est un havre de paix. Nous remontons par une belle journée venteuse à Ibiza, désireux de découvrir l’ambiance festive qui est censée y régner.

Mauvaise surprise, à laquelle il fallait s’attendre : les ports sont hors de prix et de toutes façons complets, les plages sont elles aussi dignes d’un truman Show et les baies sont saturées de bateaux. Une locale nous avouera tout de même que la saison est loin d’être aussi rentable que prévue en raison des loyers élevés d’Ibiza. La seule différence notable avec les autres cailloux des Baléares, c’est la taille des navires : certains yachts mesurent facilement une centaine de mètres et leurs annexes n’ont rien à envier à notre petit Amel Sharki puisqu’elles ont la même longueur ! Un yacht très proche de nous aura même le plaisir de nous faire écouter du Frank Sinatra à fond même si on ne lui en demandait pas tant !
Mais Ibiza c’est aussi le voisinage avec un voilier immense qui invite à son bord un orchestre de jazz, les couchers de soleil qui n’en finissent pas, et les fonds marins qui pullulent de poissons et de vie, de coraux et de végétation.

C’est aussi le magnifique restaurant fait sur la plage (El Silencio) pour fêter l’anniversaire de notre rencontre.

Le séjour se termine à Ibiza par la fameuse tempête du 14 août où nous allons essuyer au mouillage des rafales à 55 noeuds, le pire frayeur de notre vie (pour l’instant :)). Mais son récit fera l’objet d’un autre article. Epuisés par le tempête qui vient de se terminer, nous prenons le large en direction de la côte espagnole, avec la compagnie des dauphins sur la route.


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